26 Janvier 2015
L’année nouvelle commence avec son lot de bonnes résolutions, prises par enthousiasme par certains, avec le plus grand mépris par ceux qui savent qu’elles ne dureront pas et ne manquent pas de le dire…
De mon côté, je me sens comme les enfants. Toujours un peu décalée. Parce que, comme eux, j’ai deux occasions de prendre de bonnes résolutions. Deux moments de nouveauté, de vœux, de promesses, d’envies de « mieux ». L’année, depuis mon entrée à l’école, n’a quasiment jamais cessé de commencer au premier septembre, à la rentrée des classes. Cela maintient jeune, direz-vous… Ou peut-être vous sentirez-vous partagé entre l’étonnement et le mépris pour ces enseignants qui n’ont (quasiment) jamais quitté l’école – enfin, évidemment, faut pas exagérer, hein. Mais je me souviens, lors de ma première année d’enseignement, avoir eu un petit choc en entendant un matin la sonnerie qui achevait la pause café-photocopies-vérification « ai-je bien tout pris, rien oublié » avant de s’acheminer vers les classes, de l’autre côté de la cour… D’un seul coup ramenée à mon enfance, j’avais soudain repensé à ce temps très lointain, mes premières années d’école, pas plus, où un élève était chargé d’actionner la cloche, une vraie cloche, alors, muée quelques années plus tard en sonnerie électrique, et à tous les arpèges de do ou de fa un peu faux qui ont jalonné mes années d’école, du style do, do, sol, mi, do… (les points de suspension font partie de l’arpège en question) ou façon SNCF il y a dix ans, do, mi, sol, do, domisoldo ! (là encore, le point d’exclamation fait aussi partie de l’arpège).
Avec quelques subtilités…J’ai aussi connu des après-midi où la sonnerie sonnait pour d’autres classes et nous faisait bondir sur notre chaise avant de retomber – ah non… ce n’est pas pour nous ! sous le regard mi-amusé, mi-courroucé du professeur, qui mettait toute son énergie à nous expliquer les relations diplomatiques entre Est et Ouest ou les déclinaisons allemandes.
Et puis, après, il y eut l’Université… Ahhh ! Enfin délivrée de cette pulsation de la journée, la fin des cours ne dépendant que de la montre du professeur… et de son aptitude à terminer son cours à temps. Et les courses effrénées dans les couloirs de la Sorbonne, puisque à 9h pile on devait à la fois sortir d’un cours et en même temps se trouver dans un autre amphi, souvent assez distant… J’étais devenue assez habile dans ce type de calcul : en prenant l’ascenseur jusqu’au deuxième, et en traversant l’UFR d’Histoire, on peut arriver par un couloir au 4e étage de l’autre aile et en redescendant par un escalier de service, on arrive en 3mn chrono au grand amphi, vous voyez le genre ? Mais c’était sympa, au moins, on ne pouvait pas dire que ces pauvres littéraires, pour certains anciens khâgneux, ne faisaient pas de sport ! Mens sana in corpore sano, ça, on pouvait le traduire, et en plus on le mettait en pratique tous les jours !
Bref, quand l’heure d’enseigner sonna, je me souviens avoir longtemps résisté à cette ponctuation mécanique et extérieure de mes heures de travail, de mes heures de vie. « Mais ! je ne vais pas faire toute ma vie selon le rythme d’une sonnerie d’école ! » m’étais-je un jour écriée à une collègue qui m’avait alors regardée les yeux vides d’incompréhension, comme si je tombais de Saturne.
J’ai bien dû m’y faire. J’ai gardé un agenda de septembre à septembre, et je continue de prendre mes bonnes résolutions deux fois par an… Et pourquoi se priver ? Chaque jour, chaque heure qui passe pourraient être de nouveaux départs…