9 Février 2015
J’ai grandi dans une famille particulière, qui accordait une réelle valeur à la culture, aux arts et à l’excellence. Entre un père issu d’une famille d’artistes et une mère d’un milieu plus modeste mais où le désir d’instruction et la confiance dans l’étude et le savoir étaient grands. Ma grand-mère ne m’avait-elle pas demandé un jour de lui apprendre le latin, matière exotique que je découvrais à l’école et qu’elle n’avait pu étudier, en un temps où seuls les garçons découvraient les joies des discours de Cicéron et des guerres de César tandis que les filles se dirigeaient vers l’école ménagère?
De fait, beaucoup de repas chez nous se terminaient dans l’encyclopédie du salon. Quelqu’un disait quelque chose, posait une question, une autre personne, immanquablement, ne partageait pas son opinion ou avait une autre réponse et, tout aussi immanquablement, l’un de la tribu disait « je vais regarder dans l’encyclopédie / le dictionnaire (selon) » et là, ma mère intervenait : « Ah ! non ! ça ne va pas recommencer ! Vous verrez ça après, pas maintenant ! » mais la curiosité étant un vilain défaut, on réussissait quand même parfois à se jeter sur les livres.
Je me sentais un peu extraterrestre, au milieu de mes camarades. Puis un jour est arrivée L***. Une artiste et plus tard fan de musées (si, si, ça existe). Famille d’amoureux des Belles Lettres, comme on disait au temps de mes professeurs d’université (ça date). Chez elle, les repas se terminaient immanquablement par la phrase « le dictionnaire est sous l’escalier ! » ponctuant des débats passionnés avec son père, avec qui elle inventa, du reste, à quatre mains, une histoire du Petit Chaperon rouge qui changeait chaque soir. Cela m’avait toujours touchée.
Maintenant, avec mon fils à l’âge des questions, les repas ressemblent à : « Mais, chérie, tu fais quoi ? » « Je prends ton iPhone/ mon Samsung/ mon Blackberry/ sa tablette » pour répondre aux questions aussi amusantes qu’intelligentes. Amusantes, oui, mais, je suis de la génération de « C’est pas sorcier », et toute question a besoin d’une réponse, simple, mais vraie.
Je me demande comment fera mon fils quand il aura mon âge…