30 Avril 2016
La Réforme de la manière correcte d’écrire (ou comme le disaient les hellénistes : l’orthographe, des racines ortho, droit, correct et graphe, écrire)
Je ne compte plus les personnes qui me disent depuis quelque temps : « Et la réforme de l’orthographe, tu en penses quoi ? ». Des élèves (« Madame, vous écrivez comment nénuphar ? ») aux collègues (quoique… en fait… tiens, on n’en parle pas vraiment, de la réforme, entre collègues), en passant par les amis…
La langue française est complexe, c’est vrai. Marquée par son histoire. C’est également vrai. Et c’est en l’enseignant aux allophones qu’on s’en rend vraiment compte. De la prononciation à la grammaire, en passant par l’orthographe des mots, très complexe. Avec des étapes dans son histoire. Par exemple, le mot pied, que l’on écrivait au Moyen-âge pié (quelle chance !) avant que les humanistes de la Renaissance, dans le but d’anoblir leur langue alors neuve en littérature, ne s’avisassent de le relier à son étymologie latine, en lui adjoignant le d final de pedem. Oui, le latin, presque un gros mot, aujourd’hui… Modification orthographique inutile ? Ou qui prend son sens quand on rapproche ce mot de ses compagnons plus « savants », restés plus proches du latin : pedestre, pédicure.
Et ce « jeu des mille et une familles » de mots, les élèves l’adorent. Retrouver les liens entre mots de même famille (non, pas les champs lexicaux qui ont envahi le vocabulaire de nos collégiens, mais je parle bien des familles étymologiques).
Et c’est vrai qu’une ou deux années de latin me semblent ici indispensables pour comprendre le vocabulaire de notre langue ! En réformer « à la hache » l’orthographe… Oui, l’orthographe du français est plus complexe que l’italienne, plus simple à apprendre, dit-on. Mais quels schémas de pensée la langue soutient-elle ?
Il n’en reste pas moins que notre langue n’a cessé d’évoluer. Des déclinaisons latines, on est passé à deux seuls cas, le cas sujet et le cas objet, dont certaines traces persistent en français moderne : sire et seignor étaient deux cas d’un même mot, par exemple. Ou encore, plus près de nous, certains mots, comme nos pronoms relatifs témoignent d’une déclinaison : qui, cas sujet, que, cas objet, quoi, cas objet indirect. Pardon pour ces gros mots au regard des nouveaux programmes du collège français.
Le futur existait en latin, puis a disparu ; on disait « j’ai (à) faire », par exemple, on utilisait le verbe avoir au présent comme auxiliaire d’un autre verbe pour exprimer le futur. Puis, au cours du Moyen-Age, le temps futur est apparu. Aujourd’hui, je constate une difficulté orale et écrite chez mes élèves à utiliser le futur. Il est remplacé par un futur proche : « tu vas venir demain chez Untel ? » « il va faire cela ». Le verbe aller est auxiliaire du verbe exprimé. Visiblement, c’est devenu difficile de « penser » un futur réel, ou de se placer dans le futur.
Mais trêve de science, revenons à la réforme de l’orthographe.
Elle ne va pas assez loin. Qu’attend-on pour supprimer tous ces signes aussi bizarres qu’inutiles en français ! Tiens ! le « ç », en voilà une source de fautes ! D’ailleurs, à force de taper sur les doigts des élèves et de leur faire écrire des phrases de Bled, c’est bien connu qu’ils en viennent à écrire « çeçi et çela ». Remplaçons donc tous les « ç » par « ss » : Franssois, Sa m’énerve, le garsson, le calesson, la lesson, sui-là, ressu.
Mais, là, certains pinailleront, j’en suis certaine : « ressu », on va finir par le prononcer par erreur « raissu ». Donc, ne faudrait-il pas écrire « Il a reu-ssu une lettre » ? car « eu », pas de doute, ça fait « eu ». Cependant, « reussu », en bons lecteurs globaux que nous sommes, même à notre corps défendant, cela fait penser à « réussir », non ? puisqu’on ne lit jamais la fin des mots, paraît-il. Alors, comment distinguer « il a reussu une lettre » et « il a reussi son examen » - oui, sans accent, d’abord, c’est nul les accents, et ensuite, pas adapté aux claviers des Smartphones, donc mettons-nous au diapason des machines, svp. Alors ? Eh, bien, par le sens, tout simplement. Examen ≠ lettre, donc, on comprend. CQFD.
Bon, OK, mais qu’en est-il de la bonne vieille règle : poison/ poisson, cousin/coussin ? Banalisons ! Mettons un seul « s » partout. Après tout, en lisant la phrase, on comprendra bien, grâce au contexte, que le « poison » dans le bocal c’est soit une figure de style, soit un animal marin à branchies ! Et comme me l’avait expliqué un formateur à l’IUFM, les dictionnaires sont inutiles en classe et les mots se comprennent grâce au contexte, je ne vois pas de problème !
Pour finir, si quelqu’un peut m’expliquer comment mettre les traits d’union et les apostrophes facilement et rapidement avec un clavier Samsung… ou comment leur écrire pour leur faire savoir que la langue française a besoin d’apostrophes et de traits d’union, merci.
PS: une petite anecdote : mon temps préféré de la langue française est le futur antérieur. J’ignore s’il est beaucoup utilisé dans le langage de tous les jours ou dans la presse, mais l’idée de se placer tellement loin dans un futur dont on est sûr qu’il se réalisera au point de lui inventer un passé m’a toujours émue (« quand toute cette histoire sera terminée et qu’on ira boire un café pour en discuter »)