9 Mars 2015
L'autre jour, en traversant, très pressée, la gare de Lausanne, je me suis arrêtée soudain, malgré moi, en regardant une jeune femme armée d'un vaporisateur et d'un chiffon, qui nettoyait méticuleusement le marbre des parois qui bordent les passages en pente et les murs de la gare. Elle mettait tant de soin, tant d'amour pour faire briller cette paroi, avec tellement de calme, à côté de cette foule qui passait à pas pressés, à côté de son seau et de ses affaires; affairée sur dix centimètres de marbre, cela m'aurait donné le vertige en pensant à la quantité de centimètres à nettoyer régulièrement dans une gare de cette importance.
Sous mon regard étonné, elle s'est retournée. J'ai bredouillé: "Je... c'est juste que... vous avez l'air de prendre tellement soin de cette gare!"
Elle s'est redressée complètement et m'a répondu en souriant:
"Je prends soin de 52 gares, Madame."
Et, à n'en pas douter, "ces" gares romandes étaient vraiment "ses" gares.
Je l'ai remerciée, et je suis repartie quelques instants après, et en courant pour avoir mon train, mais avec une détermination grandie, de passer une bonne journée et d'être à mon tour efficace dans mon travail.
Je dis "efficace"... je ne me réfère pas à cette sur-sur-productivité que certains employeurs demandent ou ce stress permanent - la sensation de n'avoir pas le droit à l'erreur ni à un jour de maladie sans quoi on serait catalogué "inefficace" ou autre...
Non, complètement différent. J'aime mon métier, j'aime aider mes élèves... Mais ce matin-là, j'ai eu soudain la vision d'un monde idéal où chacun à son poste saurait qu'il contribue à la survie et au développement de son groupe, de sa société... J'ai ressenti ma motivation première d'enseignante et retrouvé l'envie originelle d'aider mes élèves à s'épanouir et à devenir des adultes meilleurs peut-être que nous le sommes, en tous cas, capables de faire face au défi de la société qui sera la leur.
J'ai parfois très envie de m'énerver, j'ai des collègues pénibles, des élèves aux comportements divers et variés... des envies régulières de tout laisser tomber ou de partir sur une île déserte... Mais il y a aussi ces moments magiques qui nous confirment dans ce qui est, en fin de compte, juste et positif et qui nous poussent à aller de l'avant et à construire encore quelques pierres en y croyant. En sentant qu'on est là et qu'on a un rôle à jouer. Et le faire.