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Bénédicte Gandois

Entre écriture et musique...

Un air de Jean Giono

Je suis en train de lire Que ma joie demeure de Jean Giono (1935). Évocation de la Provence, et envie de vacances, peut-être. 

Je connais assez peu cet auteur, même si je me suis promenée petite, sur les terres qu’il a foulées, entre Manosque, Forcalquier et le plateau de Valensole, terres de l’enfance de mon père. J’avais lu (et aimé) L’homme qui plantait des arbres.

Aujourd’hui, je suis touchée par la perception de l’auteur de la nature et la finesse incroyable de ses descriptions. A chaque fois, je me dis « ah, oui, c’est exactement ça ! », ce que je ressens face à un tel paysage, mais jamais je n’aurais trouvé les mots aussi précis ni aussi poétiques pour le dire.

C’est un mélange de simplicité (des tournures simples : il avait… il avait… il avait…), de régionalismes (des tournures comme « on va » pour « on y va », par exemple), de mots peu courants pour nous, lecteurs du XXIe siècle (savez-vous ce qu’est une débéloire ? ce qui m’a rassurée, c’est quand le dictionnaire affirme que le mot n’est attesté que chez Giono)

(C’est une cafetière à filtre, vraisemblablement du nom de l’abbé Jean-Baptiste de Belloy, inventeur du procédé ; on dit aussi débelloiredubelloire

Mais c’est surtout un style d’une grande poésie. Une poésie émerveillée devant l’existence, devant la nature. Et qui crée une stabilité.

Simplicité et stabilité : c’est pour moi l’essence d’une œuvre d’art. Stabilité ou éternité. Ces œuvres qui vous donnent un sentiment de l’éternité.

En voici un ou deux extraits :

« Il avait neigé puis gelé pendant la nuit. Tout le ^pays était cristallin comme du beau verre. On entendait marcher la chaleur légère du soleil. Les branches craquaent, les herbes se penchaient, se déshabillaient de glace et se relevaient vertes. » (chap. 3)

« Voilà ce qu'on voyait : la terre qui montait vers la forêt. Elle cachait les troncs. Dépassant la terre, les branchages noirs. D'autant plus noirs qu'ils étaient plus chargés de neige. Puis, le ciel clair, net, pur et, comme on était abrité du soleil, un ciel terrible dont on pouvait voir l'infinie viduité, l'infinie solitude, la cruauté effrayante et sans borne. Et, ce ciel, révérence parler, il se cassait la gueule sur le toit de la ferme ; voilà ce que je veux dire : ce ciel était fait pour s'en aller, tel qu'il était, jusqu'à la fin du temps, de l'espace et de la durée. Et celui qui aurait pu le peupler d'une algue grosse comme le pouce ou d'un lichen rond comme l'ongle, il aurait été fort, croyez-moi. Mais, de la porte de l'étable on le voyait brusquement finir au ras des tuiles, coupé par le bord de la toiture en dents de scie. A partir de là, ça n'était pas grand-chose, si vous voulez, mais c'était la joie et l'amour. Il n'y avait plus de monde insensible. Il y avait des tuiles d'argile cuite, la dentelle de la génoise, la joue fraîche du toit. L'homme, on a dit qu'il était fait de cellules et de sang. Mais en réalité il est comme un feuillage. Non pas serré en bloc mais composé d'images éparses comme les feuilles dans les branchages des arbres et à travers desquelles il faut que le vent passe pour que ça chante. » (ch. 4)

 

Bref, un auteur qui mérite de nous accompagner sur la route imaginaire des vacances…

Aquarelle de Jean-Marie Gandois, "Vachères"

Aquarelle de Jean-Marie Gandois, "Vachères"

L'aquarelle de couverture et celle de l'article sont signées de Jean-Marie Gandois, et inspirées des environs de Vachères, commune du Luberon.

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