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Bénédicte Gandois

Entre écriture et musique...

Une histoire de dictionnaires

Aujourd’hui, j’utilise quotidiennement des dictionnaires en ligne. Je n’ai pas pu mettre le Dixel sur mon téléphone, mais je navigue entre deux excellents dictionnaires. Le dictionnaire du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (dépendant du CNRS) est précis, complet et m’informe de l’histoire du mot. Et je recommande chaudement à mes amis et à tous mes élèves l’excellent Dictionnaire de l’Académie française qui a l’avantage d’être simple. J'entends par là, d'expliquer les définitions d’un mot… sans partir du principe que vous les connaissiez déjà avant de le chercher.

C’est rapide, efficace, je lis un mot, hop, j’attrape mon téléphone et cherche le mot dans le dictionnaire. Et je m’en sers quotidiennement car je sais pour l’avoir expérimenté combien un seul mot dont on ne comprend pas le sens peut vous ralentir dans votre étude, ou vous faire abandonner ce que vous lisez, et vous vous mettez alors, dans le train, à laisser errer votre regard vers la fenêtre rêveusement…

Bref. Mais presque chaque fois, en bon dinosaure, j’ai presque un regret du « vrai » dictionnaire papier dont on tourne les pages.

Il faut dire qu’ayant étudié les Lettres classiques à l’université, des dictionnaires, j’en ai beaucoup consulté, et quotidiennement. L’un de mes professeurs de latin m’impressionnait par la rapidité avec laquelle il tournait les pages et arrivait jusqu’au mot qu’il cherchait – et, les dictionnaires de latin et grec, il faut une formation pour s’y retrouver. Certains mots ont une définition qui occupe trois colonnes ! Thème et version, français-latin et latin-français ou français-grec et grec-français. Il fallait juste éviter de se tromper de dictionnaire le jour des examens!

On arrivait à la Sorbonne chargés comme des mules, car je prenais mon Gaffiot (latin) ou Bailly (grec) mais aussi un plus petit dictionnaire pour aller plus vite pour certains mots, avant de traverser les longues définitions. Ou bien, les jours de thème, il fallait le dictionnaire du français au latin (ou grec) plus le Gaffiot ou le Bailly, pour vérifier ensuite l’usage du mot. Et après les quatre heures de version ou de thème, on laissait nos sacs chez celui ou celle qui habitait le plus près et on allait manger ou se balader.

Souvent les examens de grec se déroulaient au sous-sol de l’UFR de grec, dans l’amphithéâtre Champollion. Vénérable amphithéâtre aux bancs et tables en bois. Celles-ci étaient d’étroites planches inclinées. Et alors, il fallait réussir à placer devant soi le texte à traduire, sa trousse ou au moins son crayon, sa feuille et… son ou ses dictionnaires… Et là, ça devenait surréaliste. Quatre heures à retenir du coude le dictionnaire qui glisse vers le bas, la feuille qui ploie vers le bord… Et quatre heures ponctuées des « boum » sourds des malheureux dictionnaires victimes de la gravité – pas la gravité de nos études – mais la gravité terrestre qui les attirait malgré eux vers le sol.

Et, encore aujourd’hui, même si j’utilise les Gaffiot et Bailly en ligne, j’ai plaisir à ouvrir les livres… retrouver quelques définitions soulignées (de celles qui occupent plusieurs colonnes…) et repenser à cet étrange silence de l’amphithéâtre Champollion.

Une histoire de dictionnaires
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