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Bénédicte Gandois

Entre écriture et musique...

Faut-il faire de la pédagogie ?

Pédagogie ou rhétorique ?

Depuis deux ans, on entend souvent en France, à la radio ou aux informations, l’expression « faire de la pédagogie » lorsqu’il s’agit d’un projet gouvernemental. A propos de la réforme des retraites, par exemple, on a pu entendre que « la première ministre est attendue pour la nécessaire séance de pédagogie » ou encore que « le gouvernement doit faire un peu de pédagogie ». Tout serait donc affaire de « pédagogie », visiblement, pour faire avaler la pilule des mesures gouvernementales.

Mais s’agit-il bien de pédagogie ? La pédagogie, du grec pais, paidos, « enfant », c’était, à l’origine, « la direction ou l’éducation des enfants », comme le rappelle le Dictionnaire de l’Académie française. Il s’agit également, en français, de l’instruction ou éducation des enfants, d’un « ensemble de procédés employés pour les instruire et les former en fonction de certaines fins morales et sociales ».

Pour les enseignants, c’est également une « discipline théorique visant à définir des méthodes d’enseignement, à déterminer de nouvelles pratiques éducatives ; » par exemple, en tant que professeur, on recherche les meilleures façons de faire comprendre la dissertation à ses lycéens, et, plus que la dissertation elle-même, qui est un exercice comme un autre, on tente de les former à la démarche de réflexion qui lui est sous-jacente, démarche mentale dont nos élèves perdent peu à peu l’habitude, remplacée par un automatisme de question-réponse lié à leur génération et au tout-numérique (mais c’est un autre sujet).

La pédagogie, enfin, c’est la qualité d’une personne « qui sait intéresser et former les esprits, qui est apte à transmettre son savoir, à faire acquérir des connaissances. » On peut « manquer de pédagogie », par exemple.

Peut-être est-ce dans ce sens qu’est pris ce mot actuellement. Le gouvernement manquerait de pédagogie. Certes. Il s’agirait cependant toujours dans ce cas de transmission de connaissances, d’un savoir ! Et non de convaincre.

Car c’est dans ce sens que le mot est utilisé actuellement. Le gouvernement manque de pédagogie pour convaincre du bien-fondé de certaines mesures disciplinaires, allais-je écrire, ou plutôt, législatives.

Or, convaincre, ce n’est plus de la pédagogie. C’est de la rhétorique. Faut-il voir là une tendance à l’infantilisation d’une population noyée dans un océan d’informations diverses, contradictoires et où l’on a perdu les clefs de la recherche du vrai ? On n’a jamais eu accès à autant d’information qu’aujourd’hui et les fameuses fake news sont partout, des sites d’information aux moindres posts sur Facebook et, si Wikipedia s’est amélioré en vingt ans, ce n’est malheureusement certes pas Chat-GPT qui nous aidera à distinguer le vrai du faux.

Quoi qu’il en soit, c’est bien de rhétorique que fait preuve le gouvernement, cette rhétorique qu’on tente d’enseigner à nos élèves : autrefois, l’une des classes de lycée s’appelait classe de rhétorique. La rhétorique, toujours selon le dictionnaire de l’Académie française, c’est « l’art de bien dire, de persuader par la parole. » » Etymologiquement, le mot provient de la racine « eirô », qui signifie « parler », et dont les mots latin « verbum », allemand « Wort » et anglais « Word » proviennent. La rhétorique, c’est donc l’art de bien parler, l’éloquence. Il s'agit alors de persuader un peuple de la nécessité d’une loi, d’une mesure gouvernementale, chose importante dans une démocratie puisque le débat d’idées est le pivot clef de son fonctionnement. On étudie, au lycée toujours, les fameuses « figures de rhétorique », de l’antithèse (opposition de deux mots, comme dans l’expression « ce jour est sombre ») à l’hyperbole (ou exagération, du genre « j’ai reçu des tonnes de cadeaux »), parce qu’elles permettent de rendre un propos plus frappant, et, partant, plus convaincant.

Après, c’est une démarche qui a ses limites. Le mot a également un sens péjoratif : « Discours creux, éloquence affectée, où domine l’emphase. » Or, entre l’art de convaincre d’une idée intéressante, d’un projet majeur et nécessaire et le discours creux d’un beau parleur, ou de celui qui ne pense qu’à ses propres intérêts, dans la vie, il n’y a parfois qu’un pas.

Mais, c’est là que nos capacités de discernement, acquises grâce à la pédagogie et la rhétorique nous permettent encore, peut-être, de faire le tri. 

Outre la transmission d'une culture à la prochaine génération, c'est ce qui me motive dans mon enseignement du français.

Raphaël, l'Ecole d'Athènes, qui représente, entre autres les philosophes Platon et Aristote

Raphaël, l'Ecole d'Athènes, qui représente, entre autres les philosophes Platon et Aristote

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